Les zones grises du droit, opportunité sur la dette grecque
Reuters
La chancelière allemande, Angela Merkel, a exclu jeudi une décote "classique" sur la dette de la Grèce à ses créanciers de l\’Union européenne, mais le droit communautaire laisse suffisamment de marge aux différentes parties pour envisager d\’autres formes de restructuration de la dette si la volonté politique est au rendez-vous.
Angela Merkel est coincée entre le refus de l\’opinion publique comme de la classe politique allemandes à tout assouplissement de la position de Berlin sur le dossier grec et les pressions extérieures en faveur d\’un allégement du fardeau de la dette grecque en échange de réformes, pour éviter qu\’Athènes sorte de la zone euro.
Les pressions internationales pourraient finir par l\’emporter, car elles incluent celles de la France, le plus proche allié de la République fédérale, du Fonds monétaire international (FMI) et des Etats-Unis.
"Lorsqu\’un gouvernement est vraiment déterminé à avancer, que la raison politique est de son côté et qu\’il y a des pressions internationales, il parvient toujours à faire pencher les règles dans son sens," résume Gunnar Beck, spécialiste du droit communautaire au SOAS (University of London).
Une éventuelle décote sur la dette grecque serait probablement contestée devant les tribunaux, comme l\’ont été ces dernières années plusieurs décisions importantes de la Banque centrale européenne (BCE).
Mais cette dernière a jusqu\’à présent toujours obtenu le soutien de la Cour européenne de justice et des spécialistes en droit constitutionnel estiment que dans le cas de la Grèce, il est possible de trouver une solution permettant une décote ou un rééchelonnement.
Au centre des obstacles juridiques se trouve ce qu\’on appelle la "clause de non-renflouement" ("no bailout clause" en anglais) du traité de Lisbonne, qui stipule que l\’Union "ne répond pas des engagements (…) des autorités publiques (…) d\’un État membre, ni ne les prend à sa charge".
En clair, l\’article 125 du traité interdit à tout pays membre de l\’Union d\’assumer les dettes d\’un autre.
Mais la Grèce doit de l\’argent à différents créanciers (le FMI, la BCE et les deux fonds de renflouement de l\’UE, le FESF et le MES), ce qui crée des situations juridiques diverses.
Une décote ou un rééchelonnement des quelque 18 milliards d\’euros d\’obligations grecques détenues par la BCE semble exclu car cela serait assimilé au financement d\’un Etat par la banque centrale, ce qui est formellement interdit par les statuts de celle-ci.
Mais des juristes estiment que le Mécanisme européen de stabilité, qui a jusqu\’à présent prêté 141,8 milliards d\’euros à la Grèce, est un cas bien distinct.
"Il n\’y a pas de limitation juridique empêchant de soulager la Grèce d\’une partie de ses dettes détenues par le MES", dit ainsi Kai Schaffelhuber, associé du cabinet juridique Allen & Overy à Francfort, pour qui le MES n\’est pas assimilable à "l\’Union" évoquée dans le traité de Lisbonne.
Dans le cas du MES, explique-t-il, "ce n\’est pas l\’Union qui assume la dette, mais le MES, qui est une organisation internationale distincte (…), différente de l\’Union".
Le cadre du droit européen donne donc aux responsables politiques une marge de manoeuvre suffisante pour conclure un accord de restructuration de la dette s\’ils le souhaitent.
Reste à savoir si la volonté politique sera suffisante: jeudi, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a jugé que la marge de manoeuvre en la matière était "très faible".
En tenant un discours de fermeté, le gouvernement Merkel cherche sans doute à rassurer en Allemagne sans pour autant fermer totalement la porte à des négociations, même si l\’espace qui subsiste est très étroit.
Une solution pourrait passer par ce que l\’on appelle un "reprofilage" des prêts, c\’est-à-dire un allongement de la période de remboursement sans réduction du montant à rembourser, la définition de la "décote" exclue par la chancelière.
"Le contexte juridique est suffisamment vague pour que les responsables politiques parviennent à une solution impliquant une extension assez importante des échéances sans courir le risque de la voir invalidée par les tribunaux", dit Ian Clark, associé de White and Case à Londres, qui a participé comme conseil à la restructuration de la dette grecque aux investisseurs privés en 2012.
"Mais plus la solution sera extrême, plus le risque sera important", ajoute-t-il.
REUTERS
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